Hatch : cultiver la diversité
Cet article s’inscrit dans la collection « Parcours d’entreprise ».
Par Pascale Guéricolas, photos : Luis Medina
Il y a quelques années, Stéphane Raymond, ing., directeur général régional pour l’est du Canada au bureau de Hatch à Montréal, a proposé un poste de direction à une des ingénieures séniores. Il jugeait qu’il s’agissait de la meilleure personne pour assumer ce poste. Sauf que cette dernière l’a refusé. «Avant de suivre notre formation interne sur les biais inconscients, j’aurais probablement accepté son refus, reconnaît le DG. Mais là, je suis revenu trois fois à la charge.» En effet, les données montrent que les femmes ont souvent tendance à sous-évaluer leur candidature et à prendre plus de temps avant de s’engager dans un nouveau poste.
Bien lui en a pris, puisque la candidate pressentie occupe maintenant le siège de directrice. L’approche personnalisée adoptée par le directeur général illustre le virage opéré par cette firme de génie-conseil qui emploie 9000 personnes partout dans le monde, dont 850 au Québec, parmi lesquels 75 % sont des ingénieurs et ingénieures. L’entreprise – fondée par Gérald Hatch, un ingénieur en génie métallurgique diplômé de l’Université McGill – a pris en 2016 l’engagement de diversifier son personnel majoritairement masculin.
L’un de ses objectifs, faire en sorte que les femmes représentent 40% de sa main-d’œuvre d’ici 2023. Si la suppression de certaines inégalités nécessite relativement peu d’efforts, comme dans les échelles salariales, d’autres exigent une prise de conscience pour les combattre au quotidien. Tout simplement parce qu’elles sont intégrées dans le mode de travail depuis très longtemps.
«La formation sur les biais inconscients nous a ouvert les yeux sur les micro-agressions que subissaient les femmes dans notre milieu, souligne Hélène Beaulieu, crha, la directrice des ressources humaines. En réunion, par exemple, certaines ingénieures voyaient leur idée rejetée, alors qu’on l’acceptait quand un homme la proposait un peu plus tard.» D’autres constats ont suivi, comme la tendance à couper la parole aux femmes, ou à assigner systématiquement la prise de notes dans les projets aux ingénieures juniores ou aux candidates à la profession d’ingénieur.
«On a souvent tendance à s’entourer de gens comme nous. Or, intégrer des personnes qui diffèrent de l’ensemble, cela apporte une diversité de pensées et de personnalités.» — Stéphane Raymond, ing. — Hatch
Passer de la parole aux actes
Au fait de l’importance d’instaurer un climat de travail où tout un chacun peut faire sa place, la direction a donc pris un certain nombre de décisions, comme celle de fournir plus de modèles féminins aux femmes de l’entreprise en mettant davantage en valeur celles qui occupent des postes de gestion chez Hatch. À titre d’exemple, le Comité de leadership régional respecte la parité hommes-femmes. Autre mesure importante : favoriser la conciliation travail-famille. Chez Hatch, cela ne se limite pas à adopter des horaires de travail plus flexibles pour les jeunes parents.
«Très souvent, c’est la mère qui prend le congé parental, remarque Stéphane Raymond. Nous considérons qu’il s’agit d’une expérience aussi formatrice que celle de mener des projets dans l’entreprise. Voilà pourquoi ce temps passé avec les enfants est pris en compte dans le calcul des années d’expérience de travail et du salaire, une fois qu’une personne revient au bureau après un congé parental.» Une embauche équilibrée fait également partie de l’arsenal de mesures mises en place par l’entreprise de génie-conseil. Désormais, les femmes doivent constituer la moitié des candidatures retenues en entrevue pour un poste de junior, un tiers des candidatures pour les séniors.
«On ne se contente pas d’afficher des postes, on va voir sur le marché pour trouver les meilleurs profils disponibles», explique Hélène Beaulieu. «Et on n’accepte pas les nominations qui n’ont pas suivi le processus d’embauche pour pourvoir un poste», renchérit Stéphane Raymond. Chaque responsable doit en effet présenter des candidates et ne pas se contenter du réseau de ses collaborateurs habituels. À ces efforts quotidiens pour féminiser le recrutement s’ajoutent par ailleurs des activités de sensibilisation menées dans les écoles secondaires et dans les cégeps. Il s’agit de permettre à un plus grand nombre de filles de s’orienter vers des études et une carrière dans le domaine des sciences ou du génie.
Diversité = plus grande productivité
Les efforts déployés par Hatch depuis une dizaine d’années se traduisent dans les statistiques de l’entreprise. Les ingénieures constituent désormais environ 30 % des effectifs dans l’est du Canada. «Nous avons bénéficié d’une certaine croissance de notre personnel qui nous a fait avancer vers notre objectif», indique Stéphane Raymond. De façon moins tangible, la progression féminine au sein de l’entreprise de génie-conseil a permis de s’ouvrir à de nouvelles réalités, selon le directeur général. «On a souvent tendance à s’entourer de gens comme nous, note-t-il. Or, intégrer des personnes qui diffèrent de l’ensemble, cela apporte une diversité de pensées et de personnalités, et nous permet de grandir et d’évoluer.»
Bien décidée à jouer un rôle important dans l’inclusion, cette entreprise met donc un point d’honneur à s’impliquer, par exemple dans la cause LGBTQ+. Cet engagement passe notamment par la participation au défilé de la Fierté Montréal ou par des conférences. L’une d’elles a donné la parole à Mark Tewksbury, champion olympique et porte-parole mondial pour les droits de la personne LGBTQ2S+, qui a fait part de son expérience. Le comité Inclusion et diversité de l’entreprise propose aussi beaucoup d’initiatives pour mettre en valeur la multiplicité des cultures, déjà très présente au sein de l’entreprise, et qui en fait sa richesse.
Toutes ces initiatives concourent, selon Stéphane Raymond, à créer un milieu de travail agréable et productif. «Une personne qui peut être elle-même va avoir de meilleures idées, observe le directeur général de Hatch. Une diversité d’opinions apporte aussi davantage de solutions potentielles à un problème. Cela nous ouvre de nouvelles perspectives.» Voilà pourquoi l’engagement de Hatch envers la diversité de son personnel n’a rien d’une mode passagère.