Pour des mines plus responsables et durables

L'industrie minière québécoise innove en adoptant des pratiques plus durables pour réduire ses émissions de GES et son empreinte carbone.

 


Cet article s’inscrit dans la collection « VOIR GRAND ».
Par Mélanie Larouche, journaliste


Les ingénieures et les ingénieurs qui exercent dans le domaine de l’exploitation minière au Québec ne manquent pas de défis étant donné les objectifs liés au développement responsable et durable de l’industrie minière. Et l’expertise québécoise est reconnue partout dans le monde.

Présidente-directrice générale de l’Association minière du Québec (AMQ), Josée Méthot, ing., MBA, ASC-C. Dir., se montre très optimiste quant aux résultats de l’industrie minière québécoise à l’égard des grands objectifs de développement durable. « L’industrie fait de grands efforts pour réduire les gaz à effet de serre (GES) en décarbonant ses activités, souligne-t-elle. Au cours de la dernière décennie, elle a entièrement revu ses façons de faire, ses équipements et ses procédés, et elle continue d’innover pour sans cesse améliorer sa performance environnementale. Il faut savoir que sur le plan de l’encadrement législatif et réglementaire, le Québec est parmi les meilleurs. Conséquemment, on y produit les minéraux et les métaux dont l’empreinte carbone est très faible. »

Selon elle, la transition énergétique de l’industrie minière québécoise est bien entamée, notamment au regard de son parc de véhicules et d’équipements, afin de réduire au maximum la consommation de diesel. « Les industriels cherchent aussi des procédés pour remplacer l’utilisation des combustibles fossiles par des énergies renouvelables. On peut dire qu’on avance bien, mais les enjeux sont bien réels, entre autres celui de la disponibilité d’hydroélectricité. Les entreprises minières ne font pas exception parmi les grands industriels, on a besoin de volumes d’énergie importants. »

 

« Les industriels cherchent aussi des procédés pour remplacer l’utilisation des combustibles fossiles par des énergies renouvelables. On peut dire qu’on avance bien, mais les enjeux sont bien réels, entre autres celui de la disponibilité d’hydroélectricité. »

Josée Méthot, ing., MBA, ASC-C. – Présidente-directrice générale de l’Association minière du Québec (AMQ)

Une expertise reconnue

Josée Méthot met en lumière les nombreux programmes de recherche présentement en cours, menés par l’Institut de recherche en mines et environnement (IRME UQAT- Polytechnique) et le centre d’expertise et d’innovation en traitement de minerais Corem.

« Les industriels travaillent de concert avec ces centres dans le but de mettre au point des solutions environnementales et d’accroître la formation d’une main-d’œuvre hautement qualifiée pour l’industrie minière québécoise. Au Québec, nos universités sont reconnues mondialement ; on peut être très fiers de cette expertise de pointe dans le secteur des mines. Nos ingénieurs sont réputés, mais malheureusement en nombre insuffisant. »

 

Recherche et innovation sur le terrain

Historiquement, les principaux projets de recherche liés au traitement de minerais visaient l’optimisation des procédés pour augmenter la récupération et la productivité.

« Depuis quelques années, entre 60 % et 70 % des travaux de notre programme de recherche précompétitif ont des objectifs de développement durable, signale Francis Fournier, président-directeur général de Corem. Les principaux axes de nos recherches touchent à l’énergie, la réduction des émissions de gaz à effet de serre, la consommation des réactifs et la valorisation des résidus. L’industrie minière étant une grande consommatrice d’énergie, notamment à l’étape du broyage du minerai pour en extraire les métaux et minéraux, certains de nos projets se penchent actuellement sur les circuits de broyage innovateurs et le développement de nouvelles technologies afin de proposer d’autres approches en matière de broyage. Au Québec, on a la chance d’avoir l’hydroélectricité, mais certaines mines n’y ont pas accès. »

Les chercheuses et chercheurs de Corem travaillent aussi à répondre aux besoins en matière de préconcentration du minerai, afin de réduire le volume de matière stérile.

« On explore aussi du côté de tout ce qui peut réduire les GES par la production de fer de haute pureté, indique Francis Fournier. De même pour l’industrie du bouletage du fer, qui utilise le charbon, on souhaite éliminer son utilisation ou la remplacer, par le biocharbon par exemple. Nous avons également des projets liés à l’utilisation de réactifs chimiques, entre autres pour les procédés de flottation ; on veut réduire leur consommation et mettre au point des bioprocédés. »

 

« Nous avons également des projets liés à l’utilisation de réactifs chimiques, entre autres pour les procédés de flottation ; on veut réduire leur consommation et mettre au point des bioprocédés. »

Francis Fournier – Président-directeur général de COREM

Un problème de communication

Pour l’AMQ, qui a entre autres pour rôle de veiller aux intérêts de l’industrie minière auprès des autorités et du grand public, l’un des grands défis qui se pose demeure celui de la méconnaissance de cet important secteur d’activité, levier économique majeur au Québec. « Le manque d’information génère des inquiétudes, note Josée Méthot. On sent qu’un changement s’opère depuis quelques années, mais cela exige des efforts de communication très performants. Cette situation est en lien direct avec la question de l’acceptabilité sociale. » Pour y remédier, l’AMQ a mis en place une campagne promotionnelle pour mieux faire connaître l’industrie minière, son utilité dans la vie de tous les jours et ses bonnes pratiques. Des prix et des distinctions ont aussi été créés pour montrer combien l’industrie est innovante et proactive en matière environnementale. « On a réalisé un sondage pour tester la connaissance de la population, mentionne-t-elle. Les résultats montrent que 78 % des Québécoises et Québécois affirment méconnaître l’industrie. C’est dommage qu’ils entretiennent des idées préconçues basées sur la mauvaise image du passé, une image selon laquelle l’industrie est polluante. Les choses ont beaucoup changé, l’industrie minière a pris un virage décisif en environnement ; ses activités sont très réglementées et de gros efforts en recherche et développement sont en cours. »

Professeur titulaire au Département des génies civil, géologique et des mines de Polytechnique Montréal et directeur scientifique de l’IRME à Polytechnique Montréal, Li Li, ing., partage le point de vue de Josée Méthot quant à la méconnaissance de l’industrie, laquelle nuit à son image. Le professeur Li a mené de nombreux projets de recherche ; l’un d’eux concernait le remblayage des chantiers souterrains après l’extraction de minerais afin de récupérer le plus de minerais possible, tout en s’assurant de la stabilité et de la sécurité des lieux. D’autres projets récents concernent la gestion des rejets miniers, comme les roches stériles et les résidus miniers, dans le but d’éviter les problèmes environnementaux, entre autres les inondations de boue de résidus miniers. Pour le chercheur, les questions de sécurité sont aussi importantes que les questions d’ordre environnemental ou d’acceptabilité sociale. « La sécurité est liée à l’acceptabilité sociale. On essaie de rattraper le retard à ce chapitre, notamment en favorisant l’embauche de personnel local et en misant sur la communication, l’information et l’éducation des gens afin qu’ils comprennent bien ce qu’on fait. La désinformation a nui à l’industrie, mais de sérieux efforts sont maintenant consentis aux communications avec les populations. »

 

« Le milieu minier a besoin de main-d’œuvre. Les ingénieurs et les professionnels de recherche ont la possibilité de jouer un rôle très positif dans cette industrie, de contribuer à changer le monde. Rendre cette industrie plus verte, plus durable et plus acceptable est un défi stimulant. »

Li li, ing. – Professeur titulaire au département des génies civil, géologique et des mines de Polytechnique Montréal et Directeur scientifique De L’IRME à Polytechnique Montréal

Le besoin de relève

Le professeur Li insiste également sur la question de la main-d’œuvre spécialisée. « Le milieu minier a besoin de main-d’œuvre. Les ingénieurs et les professionnels de recherche ont la possibilité de jouer un rôle très positif dans cette industrie, de contribuer à changer le monde. Rendre cette industrie plus verte, plus durable et plus acceptable est un défi stimulant. Je suis passionné par la formation, l’enseignement et la recherche ; je crois que c’est par cette voie que les changements les plus significatifs vont arriver. Actuellement, on n’en fait pas assez pour remédier au manque de relève. Je crois qu’il faut mettre l’accent sur les fortes valeurs qui motivent les ingénieurs au quotidien, sur leur rôle et leurs responsabilités sociales et économiques. Par leur travail, ils permettent d’éviter des conséquences néfastes ou des accidents graves. »

Le défi administratif

Autre défi de taille, celui du fardeau administratif qui incombe aux entreprises. « Au Québec, l’activité minière est encadrée à la fois par des lois fédérales et par des lois provinciales, ce qui représente une difficulté de taille pour les entreprises, notamment en raison des délais et des complications liés aux autorisations environnementales, précise Josée Méthot. Ce double système vient ralentir un processus déjà lourd. L’AMQ fait des représentations auprès des autorités pour améliorer ce fardeau administratif. Ces dernières années, le processus est plus efficace, il y a eu de bonnes améliorations, mais il y a encore du travail à faire. »

 

Un MOOC sur l’ingénierie durable

« Ce cours vise notamment à illustrer, par des études de cas réels, les meilleures pratiques pour respecter les 10 directives du Guide national sur le développement durable et la gérance environnementale à l’intention des ingénieurs. »

Patrick Cigana, ing.Directeur du Bureau du développement durable et sociétal de Polytechnique Montréal

En 2018, Polytechnique Montréal, en partenariat avec Ingénieurs Canada, a lancé un projet de formation en ligne gratuite et ouverte à tous (MOOC) intitulé L’ingénierie durable. « Ce cours vise notamment à illustrer, par des études de cas réels, les meilleures pratiques pour respecter les 10 directives du Guide national sur le développement durable et la gérance environnementale à l’intention des ingénieurs, explique Patrick Cigana, ing., directeur du Bureau du développement durable et sociétal de Polytechnique Montréal, qui a mis sur pied cette formation. Le cours s’adresse aux ingénieures et aux ingénieurs canadiens, mais plusieurs participants de l’étranger s’inscrivent. Deux des études de cas concernent les mines. Ainsi, on explique comment la mine Raglan a contribué avec ses parties prenantes à prolonger la durée de vie de la mine, sur la base d’un travail multidisciplinaire et d’une étroite surveillance environnementale. L’autre étude de cas présente la construction de la première éolienne en milieu nordique, une éolienne qui stocke de l’énergie servant à alimenter les opérations de la mine Raglan. Il est aussi question des impacts économiques et environnementaux et la gestion des risques. »

La 10e édition de ce cours sera mise en ligne à l’automne.

 

Caractérisation géomécanique : une étude prometteuse

« Ma recherche consiste à étudier les comportements géomécaniques de ces rejets ; je mets au point des outils expérimentaux permettant la caractérisation géomécanique adéquate en laboratoire et sur le terrain, à grande échelle. »

Gilbert Girumugisha – Étudiant – chercheur à Polytechnique Montréal

Dans le cadre de ses études doctorales à Polytechnique Montréal, Gilbert Girumugisha se penche sur la caractérisation géomécanique des rejets miniers à la mine Canadian Malartic. « Parmi les enjeux de sécurité, l’extraction de grands volumes de roches stériles nécessite qu’on entrepose par la suite ces roches et les résidus qui en résultent, explique-t-il. On veut les revaloriser : soit les retourner dans les fosses d’où ils ont été extraits ou les utiliser dans d’autres applications.

Toutefois, on ne connaît pas bien actuellement leur comportement à long terme. Ma recherche consiste à étudier les comportements géomécaniques de ces rejets ; je mets au point des outils expérimentaux permettant la caractérisation géomécanique adéquate en laboratoire et sur le terrain, à grande échelle. Je veux proposer des limitations sur les techniques existantes pour fournir des outils adéquats afin d’obtenir des données pertinentes. Nous voulons réduire l’empreinte écologique de ces matériaux. Et si on peut les revaloriser, ça sera une contribution importante. »

 

Lire la revue PLAN de l’Automne 2024

Voir aussi