Exercice de l’ingénierie : est-ce toujours illégal pour des non-membres ?

En se modernisant, la Loi sur les ingénieurs a intégré des domaines émergents tout en précisant les activités réservées aux membres.

Cet article s’inscrit dans la collection « PRATIQUE EXEMPLAIRE ».

Marie-Julie Gravel, ing., conseillère à la surveillance de la pratique illégale et Me Patrick Marcoux, avocat.


La Loi sur les ingénieurs a été modifiée en septembre 2020, et une définition de l’«exercice» de l’ingénierie y a été introduite.

 

La version précédente de la Loi, qui remontait à 1964, ne contenait pas une telle définition et se rabattait essentiellement sur les exemples d’ouvrages qui s’inscrivaient dans le champ d’exercice de l’ingénieur : les chemins de fer, les barrages, les ponts, les havres, les phares, et plusieurs autres. Cela avait l’avantage de donner une image bien réelle des travaux d’ingénierie, mais l’inconvénient de mal vieillir et de ne pas suivre l’évolution de la technologie et de la société québécoise. Comment, en effet, rattacher aisément des champs émergents tels que le génie biomédical ou le génie informatique aux catégories d’ouvrages décrits en 1964 ?

Quid de l’ingénierie au Québec ?

La mouture de 2020 vient ajouter une description conceptuelle de l’exercice de l’ingénierie. Cette description permettra à la Loi sur les ingénieurs de s’adapter aux technologies et aux pratiques qui émergeront à l’avenir. Mais aussi, la définition de l’exercice de l’ingénierie est maintenant très large. Voyez en effet le premier alinéa du texte de l’article 1.1 de la Loi sur les ingénieurs :

« L’exercice de l’ingénierie consiste, quelle que soit la phase du cycle de vie d’un ouvrage, à exercer une activité à caractère scientifique d’analyse, de conception, de réalisation, de modification, d’exploitation ou de conseil appliqué aux structures et aux matériaux ainsi qu’aux procédés et aux systèmes qui extraient, utilisent, échangent, transforment, transportent ou emmagasinent de l’énergie, de l’information ou de la matière dans le but d’offrir un milieu fiable, sécuritaire et durable. »

On conçoit aisément que cette définition large englobe un grand éventail d’activités humaines. Mais est-ce à dire que toute personne qui n’est pas membre de l’Ordre des ingénieurs du Québec se trouve constamment à la limite de la pratique illégale ? La réponse est non, mais cela demande tout de même une certaine vigilance.

Une activité humaine peut être englobée dans la définition de l’exercice de l’ingénierie, sans pour autant être réservée à l’ingénieur. Pour qu’une activité soit réservée à l’ingénieur, elle doit respecter deux conditions cumulatives :

  1. L’activité est énumérée à l’article 2 de la Loi sur les ingénieurs ;
  2. L’activité se rapporte à l’un des ouvrages visés à l’article 3.

Activités réservées aux membres

L’article 2 de la Loi énumère un certain nombre d’activités, qui s’étendent de la conception jusqu’à la réalisation de plans et de devis et l’émission d’avis, en passant par la réalisation d’essais et de calculs, ainsi que la surveillance et l’inspection. C’est donc dire que les activités susceptibles d’être réservées à l’ingénieur sont nettement plus circonscrites que ce qui fait partie de l’exercice de l’ingénierie.

Mais l’exercice ne se termine pas là. Pour qu’une activité soit réservée à l’ingénieur, encore faut-il qu’elle se rapporte à un ouvrage décrit à l’article 3 de la Loi. Il faut lire la Loi attentivement, car elle comporte des exclusions et des précisions propres à chaque catégorie d’ouvrages. En généralisant, on peut dire que les ouvrages d’ingénierie se rapportent aux « bâtiments », aux « structures », aux « systèmes », ainsi qu’aux dépendances d’ouvrages routiers et aux procédés industriels.

En conclusion, il est important de comprendre quelles sont les activités réservées aux membres de l’Ordre des ingénieurs pour éviter de se retrouver en situation de pratique illégale. C’est donc dire que l’«exercice » de l’ingénierie est une notion beaucoup plus vaste que celle d’activité réservée.

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  1. La formule suivante peut aider à déterminer si une activité est réservée aux membres de l’Ordre : activité énumérée dans l’article 2 de la Loi + ouvrage mentionné dans l’article 3.

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