Surveillance des travaux – Sécuriser les chantiers
Cet article s’inscrit dans la collection « DOSSIER SURVEILLANCE DES TRAVAUX »
Par Pascale Guéricolas
Une fois le projet rêvé puis conçu, vient enfin le moment tant attendu de sa réalisation, une étape qui exige une bonne dose de coordination et surtout d’adaptation, puisque la mise en œuvre sur le terrain induit forcément des ajustements. Si la surveillance constitue parfois le mandat principal d’ingénieures et d’ingénieurs embauchés par des maîtres d’œuvre, à d’autres occasions cette tâche incombe à ceux et celles qui gèrent le projet.
Les aléas ne manquent pas, une fois sur le terrain. Malgré les relevés de sol, il arrive que l’excavation révèle des surprises de structures géologiques ; il se peut que la météo retarde certains échéanciers, ou que les matériaux choisis ne semblent pas conformes aux besoins une fois sur place… Autant de facteurs pour favoriser l’adoption d’un plan de surveillance dès le début des travaux.
Ce plan vise à s’assurer de la conformité de la réalisation avec les plans et devis et les règles de l’art, et surtout à s’adapter aux modifications en cours de route, au moyen d’un processus de points d’arrêt bien précis. Avant même le début du chantier, il faut également prendre en compte la santé et la sécurité au travail en effectuant un suivi des autorisations, comme l’avis d’ouverture de chantier délivré par la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST), par exemple. Autre point important : voir à ce que le remplacement d’un matériau ou d’une pièce tienne compte de la conformité de ces équivalences aux critères de conception.
L’ingénieur ou l’ingénieure pratiquant en milieu industriel pourrait se définir comme un ou une membre d’une équipe qui contribue à l’atteinte des objectifs permis par une nouvelle machine.
Jacques Patry, ing. — Ordre des ingénieurs du Québec
« L’ingénieure ou l’ingénieur analyse les demandes en gestion de changement pendant le processus pour s’assurer qu’elles s’intègrent adéquatement à l’ouvrage à réaliser, souligne Olivier Wontcheu, enseignant chargé de cours en formation sur mesure au Collège Ahuntsic et professionnel en ingénierie de santé et sécurité au travail et gestion de projets. Les entrepreneurs de construction ne disposent pas toujours d’un système de contrôle de qualité formel pour garantir l’intégrité des ouvrages, surtout sur les petits chantiers. » Voilà pourquoi le rôle de surveillance des travaux exercé par une ingénieure ou un ingénieur devient primordial.
La vérification de la mise en œuvre de certains ouvrages selon les plans et devis et les règles de l’art s’avère aussi indispensable. Olivier Wontcheu mentionne, par exemple, l’importance de maintenir le béton à une température minimale, selon les indications du concepteur, en particulier lorsque la température diffère des moyennes durant sa prise ou son durcissement initial. Ce suivi peut incomber à l’équipe chargée du contrôle de la qualité dirigée par un ingénieur ou une ingénieure qui vérifie si les spécifications du produit ont bien été suivies.
La surveillance consiste également à gérer les aspects techniques, que l’on pense aux fiches techniques, aux dessins d’ateliers, à la coordination avec l’équipe de conception. Sans oublier bien sûr la gestion administrative, la vérification des quantités ou le suivi des échéanciers de réalisation.
Et les équipements dans tout ça?
Si ce mode de fonctionnement fait partie intégrante du génie civil, il s’agit aussi de la liste des tâches des ingénieures et ingénieurs exerçant en génie industriel, par exemple pour les équipements. Certains réservoirs sous-pression requièrent des tests de conformité et de certification, tandis qu’une liste de vérification pré-opérationnelle et de sécurité accompagne la mise en place d’appareils et de machines au moment de leur installation et de leur démarrage.
« L’ingénieur ou l’ingénieure pratiquant en milieu industriel pourrait se définir comme un ou une membre d’une équipe qui contribue à l’atteinte des objectifs permis par une nouvelle machine, en termes de productivité, de qualité, de vitesse de cadence », illustre Jacques Patry, ing., inspecteur à la surveillance de l’exercice à l’Ordre. La surveillance exercée en génie industriel équivaut à un point d’arrêt pour valider la conformité aux normes de sécurité pour les personnes qui interagissent avec la machine, le personnel de maintenance ou les opérateurs.
En prenant conscience en amont des enjeux de réalisation des projets sur le terrain, il devient plus facile de réduire et de gérer les conséquences des changements et d’éviter les problèmes durant les travaux et l’exploitation.
Patrick Dalpé, ing. — Ordre des ingénieurs du Québec
Il s’agit d’un rôle actif, puisque l’arrivée d’un nouvel équipement ne se passe pas toujours comme les équipes l’ont imaginé. Jacques Patry se souvient notamment d’une usine de produits hygiéniques dont le toit a été ouvert de 60 centimètres en plein hiver, afin d’installer une nouvelle machine.
Comble de malheur, deux tempêtes de neige ont eu lieu pendant ce temps… « L’ingénieur chargé de la surveillance a dû veiller à ce que la zone de production adjacente ne soit pas affectée par le chantier et le déneigement. »
La valeur ajoutée de la surveillance des travaux
On l’aura compris, une bonne surveillance des travaux fait souvent la différence entre des travaux bien réalisés, dont les qualités se maintiennent à travers le temps, et des ouvrages à reprendre ou des machines à adapter, parce que des problèmes non résolus ont surgi en chemin. Selon le professionnel en ingénierie Olivier Wontcheu, la protection du public occupe une place de choix dans la liste des avantages à bien exercer cette fonction. « Comme on le mentionne dans le Guide de pratique professionnelle de l’Ordre, chapitre “Travail de l’ingénieur”, le Code de déontologie des ingénieurs précise dans l’article 2.03 que l’ingénieur a la responsabilité de signaler des situations qui présentent un danger, souligne-t-il. Il peut s’agir d’une pratique qui va à l’encontre des règles de l’art, par exemple. »
Le regard extérieur porté sur la mise en œuvre de certains travaux permet de détecter rapidement les non-conformités aux plans et devis. Ce faisant, la surveillance agit un peu à la manière d’un signal d’alarme, qui améliore la qualité des travaux lors des étapes critiques de construction, puis de la validation finale.
« En prenant conscience en amont des enjeux de réalisation des projets sur le terrain, il devient plus facile de réduire et de gérer les conséquences des changements et d’éviter les problèmes durant les travaux et l’exploitation. L’échéancier pour la livraison a aussi de meilleures chances d’être respecté », comme l’explique Patrick Dalpé, ing., inspecteur à la surveillance de l’exercice à l’Ordre.
Les entrepreneurs de construction ne disposent pas toujours d’un système de contrôle de qualité formel pour garantir l’intégrité des ouvrages, surtout sur les petits chantiers.
Olivier Wontcheu — Collège Ahuntsic
Ce suivi très serré des travaux par une série de points d’arrêt participe aussi à la collecte de renseignements et de données tout au long du cycle de vie du projet. « De cette façon, c’est plus facile de retrouver la trace d’un problème éventuel qui a pu mener à un vice caché, explique Olivier Wontcheu. Cette pratique est intéressante, mais tous les entrepreneurs de construction ne l’adoptent pas systématiquement. »
L’enseignant au Collège Ahunstic précise qu’un inspecteur en bâtiment a tout intérêt à avoir accès à ce dossier. Il pourra ainsi prendre connaissance du diagnostic posé par un ingénieur ou une ingénieure au cours de la réparation d’un problème survenu durant la construction de fondations, par exemple. Ces données techniques, colligées au fil de la surveillance, constituent une véritable mine de renseignements. Plus que jamais, prendre le temps requis et avoir recours aux ressources appropriées pour veiller sur les chantiers et les travaux constitue donc un investissement d’importance capitale.
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