Changements climatiques : l’urgence de s’adapter

Découvrez avec deux experts comment intégrer l’adaptation aux changements climatiques dans le cycle de vie des infrastructures.

Cet article s’inscrit dans la collection « RÉFLEXION ».
Par Alain Bourque, M. Sc., et Sonia Hachem, Ph. D.


 

Alain Bourque Titulaire d’un baccalauréat en météorologie de l’Université McGill et d’une maîtrise en sciences de l’atmosphère de l’Université du Québec à Montréal, il a été météorologue-climatologue à Environnement Canada avant de se joindre à Ouranos, dont il est devenu le directeur général en 2013. Alain Bourque a participé à l’organisation d’Adaptation Canada 2016 et Adaptation Futures 2023. Il siège sur le Comité consultatif sur les changements climatiques du gouvernement du Québec et sur la Plateforme canadienne d’adaptation. Il copréside le Groupe d’experts en adaptation aux changements climatiques.

Sonia Hachem Membre de l’équipe de transfert des connaissances et formation chez Ouranos, elle détient un doctorat en sciences géographiques de l’Université Laval. Elle a travaillé comme chercheuse postdoctorale sur la cartographie des zones de pergélisol à partir d’images satellites dans la zone circumarctique. Sonia Hachem détient également un diplôme en pédagogie de l’enseignement supérieur.

La lutte contre les changements climatiques

Le réchauffement climatique s’est accéléré depuis 1950. En 2023, il a atteint + 1,5 °C par rapport à l’ère préindustrielle, soit le niveau attendu de l’Accord de Paris. Le réchauffement se poursuivra jusqu’à l’atteinte de la carboneutralité mondiale. C’est pourquoi la lutte contre les changements climatiques doit être poursuivie sur deux fronts : la réduction des émissions des gaz à effets de serre (GES) et l’accélération de l’adaptation aux inévitables changements.

Pourquoi s’adapter aux changements climatiques ?

Le réchauffement implique des transformations de l’ensemble du système climatique. On assiste, d’une part, à la multiplication et à l’intensification d’événements climatiques extrêmes (feux de forêt, inondations, sécheresses, canicules…) et, d’autre part, à des changements plus subtils (diminution de la biodiversité, fonte du pergélisol, rehaussement du niveau marin…). Tous ces changements sont graduellement perceptibles sur le long terme et inquiètent grandement les scientifiques.

Ces événements, qu’ils soient extrêmes ou subtils, provoquent des conséquences directes sur le bâti en créant ou en accélérant des défaillances. Ils entraînent aussi des conséquences indirectes en générant un effet domino néfaste sur les collectivités, les écosystèmes, les activités économiques et même la santé publique.

Par exemple, les épisodes de pluie verglaçante1 qui ont frappé le Québec en 1998 et en 2023 ont endommagé les réseaux électriques et privé d’électricité plus de un million de clients résidentiels et commerciaux chaque fois. L’accumulation de glace et les pannes d’électricité ont perturbé les transports et entraîné des répercussions sur l’économie, en plus de coûter cher aux compagnies d’assurance jusqu’à menacer l’approvisionnement en eau, dans un contexte où l’économie doit être électrifiée.

L’adaptation peut s’insérer à toutes les étapes du cycle de vie des infrastructures

Pour réduire les effets des futurs événements climatiques, des mesures d’adaptation peuvent être implantées à chacune des étapes du cycle de vie (figure 1) des infrastructures, de leur planification jusqu’à leur réhabilitation lorsqu’elles arrivent à la fin de leur vie utile.

Si l’adaptation s’exprime dans l’implantation d’infrastructures grises, voire vertes, elle apparaît aussi au-delà. En effet, les gouvernements ont l’importante responsabilité de mettre en place des politiques publiques favorisant l’intégration systématique de mesures d’adaptation dans les projets d’ingénierie et de mettre rapidement à jour le Code de construction du Québec afin d’y intégrer les meilleures pratiques d’adaptation. Ils pourraient même repenser les critères d’appels d’offres afin d’assurer une meilleure prise en compte des risques climatiques à venir.

Malheureusement, la conception est encore souvent basée sur les statistiques climatiques historiques stationnaires et stables, alors que l’environnement bâti sera affecté dans son intégrité et par le rythme accéléré d’usure des matériaux.

Est-il éthique, aujourd’hui, de construire des infrastructures qui durent plusieurs décennies sans intégrer les scénarios de changements climatiques projetés pour la même période ?

L’importance de ne pas improviser l’adaptation

Réussir l’adaptation va au-delà de surdimensionner lors de l’étape de conception. Il faut intégrer des moyens d’adaptation à une bonne gestion des actifs et suivre trois grands principes :

  • Être proactif en prenant en compte des scénarios climatiques futurs et en estimant les coûts et les bénéfices de s’adapter à moyen et à long termes.
  • Avoir une vision globale et systémique multisectorielle avec plusieurs échelles spatiotemporelles pour éviter la maladaptation au-delà du bâtiment à risque.
  • Insérer de la flexibilité pour modifier les mesures si nécessaire.
  1. ouranos.ca/fr/phenomenes- climatiques/pluie-verglacante-contexte

Formations pertinentes

  • Adaptation de l’environnement bâti et de l’aménagement du territoire aux changements climatiques : s’informer et s’outiller. Durée : 15 heures. Public cible : professionnelles et professionnels du bâtiment. En ligne sur maestro.oiq.c.ca
  • Le protocole CVIIP sur la vulnérabilité de l’ingénierie des infrastructures publiques. Durée : 5 séances de 2 heures.

En ligne sur climateriskinstitute.ca

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