David Préville, ing. : conducteur d’innovation
Cet article s’inscrit dans la collection « VOIR GRAND ».
Par Mélanie Larouche, journaliste
Féru d’ingénierie et de télécommunication, David Préville s’est laissé séduire par l’entrepreneuriat sur la base d’outils technologiques. Son objectif : réduire l’empreinte écologique et la consommation de carburant des camions, tout en contribuant à la sécurité et à la fluidité urbaine. Comme il est contrariant de multiplier les arrêts aux feux rouges alors qu’on circule au petit matin dans des rues pratiquement désertes ! Excédé par cette situation, David Préville a voulu y remédier. Ne faisant ni une ni deux, il en discute en 2020 avec son collègue Patrick Lauzière, ing. Tous deux se lancent le défi d’apporter une solution logicielle efficace à la synchronisation des feux de circulation, du moins pour les conductrices et conducteurs de véhicules lourds, qui en ressentent les effets négatifs au quotidien.
« La mobilité durable a plusieurs visages, note d’entrée de jeu David Préville. En milieu urbain en particulier, elle doit considérer tous les types de déplacements pour tous les usagers de la route. Avec niosense, on a choisi de s’attaquer à la question du camionnage et aux répercussions du trafic sur la circulation des camions, tant d’un point de vue énergétique et écologique que sur les plans logistique et sécuritaire. On a donc conçu un outil technologique spécialement adapté à ce problème de mobilité. On contribue ainsi à réduire les émissions de GES des camions et à rendre la circulation plus fluide. »
Le goût du défi
David Préville travaille depuis plus de dix ans dans le domaine des technologies de mobilité. Diplômé de l’Université du Québec à Trois Rivières en génie électrique et informatique, il s’est orienté vers les télécommunications. « Dans ma vie professionnelle, j’ai besoin de relever des défis, et plus ils sont complexes, plus ils m’attirent, confie l’ingénieur. J’ai d’ailleurs souvent cherché à me démarquer par la recherche de solutions à des enjeux particulièrement compliqués. En règle générale, là où les gens voient des risques, moi je vois des domaines à explorer. J’aime prendre part à des projets avant-gardistes, des projets du futur. Les télécommunications et les technologies de l’information sont d’excellents vecteurs d’innovation. »
Après ses études, David Préville a eu la chance de travailler près d’un an à l’Institut international des télécommunications, un centre de recherche spécialisé qui permet aux entreprises d’expérimenter des technologies émergentes. « Cette expérience m’a servi de tremplin, relate-t-il. Je suis ensuite allé travailler pour Vidéotron, au lancement du réseau 3G. Tout était à faire, c’était très stimulant comme défi. On a mis au point un nouveau système capable de prendre des vidéos sur un téléphone, c’était du jamais vu à l’époque! J’ai beaucoup appris chez Vidéotron. »
Par la suite, auprès de la firme de génie-conseil CIMA+, David Préville a encore participé à des projets novateurs, notamment en matière de sécurité et de défense nationale, et même liés au secteur immobilier. « Certains projets étaient vraiment très innovants, carrément excentriques, souligne-t-il. De projet en projet, j’ai ajouté plusieurs cordes à mon arc au fil des années. Je suis à la fois très technique et très opérationnel. »
L’IA chez niosense
Au sein de niosense, Patrick Lauzière et David Préville agissent en complémentarité. « Patrick est l’innovateur ; moi, je suis l’intégrateur. Nous avons choisi le créneau du camionnage parce qu’il a des conséquences directes sur tous les aspects qui motivent notre mission de mobilité durable. Dans l’industrie du transport, on n’en est encore qu’au début du virage. »
« Notre vision chez niosense, c’est qu’un jour, les feux de circulation n’existeront plus, les véhicules se synchroniseront entre eux pour assurer la fluidité de la circulation. »
David Préville, ing., directeur des opérations chez niosense
Les deux hommes ont décidé de cibler les entreprises de transport privées parce qu’elles ont des gains considérables à réaliser relativement au développement durable et à l’amélioration de la productivité. « Nous poursuivons activement le développement de nos outils, nous menons présentement des projets d’innovation visant à mettre en place des fonctionnalités avancées, par exemple pour la détection de piétons qui seraient non visibles dans la périphérie du véhicule, mais aussi pour aider le camionnage dans les zones difficiles. Ces fonctionnalités ajoutent à la technologie un aspect encore plus sécuritaire. »
Parmi les fonctions qu’il exerce, David Préville est chargé de l’intégration de l’intelligence artificielle (IA) aux technologies de niosense. « Recueillir, trier, gérer, optimiser les données, puis les mettre en lien pour créer des modèles d’apprentissage et des algorithmes qui nous permettent de développer des systèmes répondant à de multiples besoins, c’est ça, ma motivation. Les fonctionnalités de prédiction auxquelles l’IA nous donne accès sont extrêmement utiles dans le domaine du transport. »
Dans sa boule de cristal, David Préville voit l’autonomie des véhicules passer par la communication intervéhiculaires et interinfrastructurelle. « Notre vision chez niosense, c’est qu’un jour, les feux de circulation n’existeront plus, les véhicules se synchroniseront entre eux pour assurer la fluidité de la circulation. J’ai hâte de pouvoir m’asseoir dans ma voiture autonome et m’endormir pour me réveiller à New York ! »
Une technologie en plein déploiement
À l’heure actuelle, une quinzaine d’intersections dans les villes de Trois-Rivières, d’Alma et de Boisbriand bénéficient de la technologie niosense, projets réalisés avec l’excellente collaboration d’IVÉO. Trois autres villes s’ajouteront prochainement. David Préville et Patrick Lauzière comptent atteindre 50_intersections d’ici la fin de 2024, et environ 500 d’ici 2025.
« Je suis allé présenter la technologie niosense dans le cadre d’une conférence sur les systèmes de transport intelligents qui a eu lieu dans la Silicon Valley l’automne dernier, indique David Préville. Ce que nous proposons, c’est-à-dire des réponses précises à des questions importantes (réduction des émissions de GES, fluidité de la circulation et réduction de la consommation de carburant), a beaucoup plu à nos interlocutrices et interlocuteurs. Qui plus est, notre service n’exige aucun investissement de la part des villes, simplement qu’elles comprennent comment il fonctionne. »
Il faut savoir que le système niosense passe par des technologies logicielles existantes, entre autres celles qui servent aux véhicules d’urgence et aux bus, puis l’entreprise partage les revenus entre ces partenaires technologiques. «_Notre clientèle, ce sont les entreprises de camionnage, explique David Préville. Nous concluons des ententes avec les responsables de la direction des opérations de ces entreprises. Rien n’est implanté dans le véhicule_; la personne au volant du camion n’a rien à faire de spécial. Parfois, elle ne sait même pas que le système est en place, mais elle voit la magie s’opérer aux intersections. Nous facturons à l’entreprise cliente uniquement le nombre d’arrêts évités. Si elle ne “sauve” pas d’arrêt, elle ne paie pas. Le monde du camionnage va bientôt réaliser les avantages qu’apporte niosense sur les coûts de fonctionnement et sur l’environnement.
Lire la revue PLAN de l’Été 2024