Des programmes pour faire décoller les entreprises
Cet article s’inscrit dans le dossier « Entrepreneuriat ».
Par Valérie Levée
Pendant 3 mois, les entrepreneurs en résidence suivent chacun 4 ou 5 projets, à raison d’une rencontre en personne chaque semaine, et les partenaires viennent donner des ateliers en groupes.
Richard Chénier — Centech
Pour les ingénieurs et ingénieures qui veulent tenter l’aventure de l’entrepreneuriat, plusieurs écoles et facultés de génie, dont Polytechnique Montréal et l’École de technologie supérieure (ÉTS), proposent des programmes d’accompagnement pour en franchir les différentes étapes. Une bonne idée ne suffit pas pour fonder une entreprise et en assurer le succès. Il faut encore que cette idée corresponde à un besoin, que le produit qui en résulte n’ait pas déjà été développé et mis sur le marché ou qu’il reste des parts de marché à prendre ; il faut en outre pouvoir financer le coût de développement du produit.
À la naissance du projet
Tester la validité d’une idée est l’objectif du programme Accélération créé il y a 25 ans par le Centech de l’ÉTS. Pour être admissible, le projet doit déboucher sur un produit technologiquement innovant, intéressant pour le marché et potentiellement exportable. Dans les faits, tous les projets retenus intègrent une part de génie et portent sur l’industrie 4.0, la logistique des transports, les télécommunications, l’énergie, les technologies propres et les dispositifs biomédicaux. Le programme accueille chaque année 2 cohortes de 40 participants et participantes qui viennent à 30 % du milieu universitaire et à 70 % de l’industrie. Pour les accompagner, le Centech a formé un réseau d’entrepreneurs et entrepreneures en résidence et de partenaires du milieu des affaires. « Pendant 3 mois, les entrepreneurs en résidence suivent chacun 4 ou 5 projets, à raison d’une rencontre en personne chaque semaine, et les partenaires viennent donner des ateliers en groupes, indique Richard Chénier, le directeur général du Centech. En général, sur 40 projets, une quinzaine ont un réel potentiel de croissance. »
C’est dans la même veine que Polytechnique Montréal a mis en place, il y a quatre ans, son parcours Exploratoire réservé aux étudiants et étudiantes de tous niveaux, du moment que l’idée débouche sur un produit innovant et technologique. Le parcours dure également trois mois, et une quinzaine de personnes en profitent chaque été. « On leur propose des ateliers, du coaching, des rencontres avec des entrepreneurs pour tester la clientèle, le marché cible, la concurrence et pour valider leur idée », décrit Rodolphe Dumas, le responsable des parcours entrepreneuriaux étudiants à Polytechnique. S’ajoute une introduction aux compétences douces et à la culture entrepreneuriale. « On déstructure la pensée très scientifique des ingénieures et ingénieurs pour les amener à intégrer la notion de doute », poursuit Rodolphe Dumas. Sur le même principe, le parcours Lab-to-market jumelle trois étudiants et étudiantes pour valider le potentiel de commercialisation d’une technologie d’un professeur ou d’une professeure de Polytechnique Montréal.
L’aube de la commercialisation
Après la validation de l’idée commence ce que le milieu entrepreneurial appelle la Vallée de la mort. « Les deux premières années suivant la création d’une entreprise, tout est instable, le financement n’est pas fluide, le produit est encore en développement, il faut structurer l’entreprise, embaucher les équipes », relate Richard Chénier. Le programme Propulsion du Centech est justement là pour aider les entreprises à passer ce cap. « Dans le programme Accélération, on regarde si le projet tient la route, souligne Richard Chénier. Sur 40 projets, on en retient 15 et on les accompagne sur une période de 2 ans de façon plus individualisée pour s’assurer que leur produit est commercialisable et que l’entreprise peut entrer en phase de croissance. » En moyenne, 65 % des entreprises sortent du programme Propulsion avec un produit commercialisable, et certaines, comme Puzzle Medical Devices, Kinova, Mecademic, Aeponyx, Maadi group, Axya, ont bien décollé. « Il arrive aussi que des projets se valident en pépinière chez nous avec le parcours Exploratoire et se poursuivent au Centech », ajoute Rodolphe Dumas. C’est le cas, notamment, d’Ora Medical et de Juno Technologies.
Le passage par le Centech apporte aussi à ces entreprises de la crédibilité. « Quand elles vont chercher du financement ou de l’aide, les organismes subventionnaires, les bureaux d’avocats et autres savent qu’elles sont mieux préparées que la moyenne », estime Richard Chénier.
En novembre 2021, Polytechnique Montréal a inauguré les parcours Technologies propres et Cybersécurité pour aider les jeunes pousses de ces deux secteurs à traverser la Vallée de la mort de l’entrepreneuriat. Contrairement aux parcours Exploratoire et Lab-to-market qui sont réservés aux étudiants et étudiantes de Polytechnique, ces deux parcours sont ouverts à tout le monde. Mais « les technologies propres et la cybersécurité sont deux domaines clés pour notre société et dans lesquels Polytechnique Montréal se distingue, et on essaie de faire des arrimages en mettant les entreprises en contact avec des professeurs de Polytechnique Montréal », explique Rodolphe Dumas.
Ces parcours se déroulent en deux phases. La première, sur trois mois, reprend le principe du parcours pour les étudiants et les étudiantes et consiste à valider l’idée. Les projets les plus avancés sont alors retenus pour la deuxième phase dans l’objectif de les guider vers la commercialisation. Ils bénéficient d’aide et de quelques mois supplémentaires pour aller chercher du financement, préparer des lettres d’intention de clients, s’adjoindre des partenaires, concevoir un prototype… Pour cette première édition, les parcours Technologies propres et Cybersécurité ont respectivement accueilli 15 et 10 projets.
Après avoir traversé la Vallée de la mort de l’entrepreneuriat, les entreprises auront d’autres étapes à franchir au fil de leur développement. Heureusement, elles pourront trouver d’autres formes d’aide, comme le mentorat ou le soutien fourni par l’École d’entrepreneurship de Beauce.
Les technologies propres et la cybersécurité sont deux domaines clés pour notre société et dans lesquels Polytechnique Montréal se distingue. […] On fait des arrimages entre les entreprises et les professeurs.
Rodolphe Dumas — Polytechnique Montréal
Lire la revue Plan Novembre-décembre 2022
Lire l’étude l’entrepreneuriat en génie au Québec et son écosystème