, , 22 septembre 2022

En route vers les TEI

La rareté de main-d’oeuvre touche toutes les sphères du génie. Le domaine des transports électriques et intelligents présente toutefois un contexte particulier. Pour faire le point sur la situation, Propulsion Québec et le Conseil des technologies de l’information et des communications (CTIC) ont récemment publié une étude détaillée sur les besoins en main-d’oeuvre du secteur.

 


Cet article s’inscrit dans le dossier « Transport et mobilité durables ».

Par Clémence Cireau


« Nous estimons que les véhicules électriques et intelligents devraient atteindre 29 % du parc nord-américain en 2030, 48 % en 2040 et 69 % en 2050, indique Simon Pillarella, directeur – Main-d’œuvre et financement à Propulsion Québec. Les transports électriques intelligents (TEI) auront un effet énorme sur la croissance ; nous sommes donc soutenus par les différents paliers de gouvernement. C’est ce qui nous permet de construire des projets ambitieux pour arriver à nos objectifs. » L’organisme fonctionne en chantiers thématiques qui permettent d’orienter les actions. La main-d’œuvre est l’un d’eux.

 

Afin d’améliorer la compréhension des enjeux et de diriger au mieux ses actions, Propulsion Québec a publié, à la fin de mai 2022, l’étude Recharger le secteur des transports au Québec. Réalisée en partenariat avec le Conseil des technologies de l’information et des communications (CTIC), cette étude s’est échelonnée sur une dizaine de mois. Une équipe de recherche de l’Université de Toronto a tout d’abord fait une revue de littérature. Puis, un sondage a été mené auprès d’entreprises québécoises afin de mettre en relief la transformation de l’industrie du transport et les besoins émergents en main-d’œuvre. « Propulsion Québec a recueilli des données auprès des entreprises de la grappe, précise Simon Pillarella. En pleine pandémie, le CTIC voulait porter un projet de relance verte. Les membres de l’équipe de recherche ont vu le Québec comme un territoire idéal pour relancer l’économie à travers les secteurs plus verts. »

La difficulté de recrutement vient du fait que l’industrie des TEI est émergente. Rares sont les personnes qui peuvent conjuguer des compétences techniques et des compétences sectorielles.

Simon Pillarella, Propulsion Québec

 

Les TEI : le paradis des ingénieurs et ingénieures

Quels sont les besoins en main-d’œuvre des entreprises de TEI au Québec ? Les conclusions de l’étude sont éloquentes : de 70 à 80 % des postes à pourvoir dans le secteur concernent actuellement des postes d’ingénierie ou de programmation. « Pour les membres de l’Ordre qui veulent faire évoluer leur carrière, c’est un véritable paradis », affirme Simon Pillarella. Les domaines ayant le plus de difficultés à embaucher sont ceux des logiciels et de l’intelligence artificielle, du développement de produits, de la R-D et de la fabrication. L’enquête révèle que la plupart des entreprises du secteur considèrent qu’il est « très difficile » ou « assez difficile » de trouver des candidats de qualité. « Nous devons augmenter significativement le bassin de talents, car de nombreux postes vacants sont des postes stratégiques, hautement spécialisés, notamment dans les secteurs de la numérisation et de l’automatisation des transports », explique Simon Pillarella.

 

« Au Québec, nous avons de très bonnes compétences en génie, poursuit Simon Pillarella. La difficulté de recrutement vient du fait que l’industrie des TEI est émergente. Rares sont les personnes qui peuvent conjuguer des compétences techniques et des compétences sectorielles. Il y a par exemple des gens extrêmement qualifiés dans le domaine des logiciels, mais qui ne connaissent rien à l’industrie du transport électrique et intelligent. Pourtant, l’industrie des TEI requiert les deux compétences. Les firmes qui recrutent rivalisent ainsi entre elles ou se tournent vers des candidatures venues de l’étranger – dont l’expérience sectorielle est généralement plus longue du fait de leur histoire industrielle dans l’automobile. »

 

Faut-il alors opter pour les formations universitaires afin de répondre au besoin de main-d’œuvre ? Simon Pillarella ne doute pas de la qualité des programmes universitaires québécois. « Les jeunes rallieront bientôt l’écosystème des TEI. Le défi est avant tout d’attirer les séniors, qui ont la maturité nécessaire pour effectuer certaines tâches. Cependant, comme la plupart ne sont pas à la recherche d’un emploi, c’est plus difficile de les recruter. » Qui plus est, l’industrie demande de plus en plus de polyvalence de la part des membres de l’Ordre. « Un ingénieur ou une ingénieure ne peut plus, par exemple, se limiter à une expertise en électricité. Il faut avoir des connaissances en programmation, en intelligence artificielle, etc. Une mise à jour constante des connaissances et des compétences est nécessaire. C’est un défi, aussi bien qu’une occasion exceptionnelle, car les carrières en génie dans ce domaine sont très intéressantes et riches, elles offrent des perspectives d’évolution et des responsabilités épanouissantes. »

 

Du point de vue salarial, Simon Pillarella remarque qu’il y a eu un effet de surenchère ces derniers temps. Pourtant, dans une industrie québécoise principalement composée de PME, cela a ses limites. « Les entreprises du secteur attirent surtout les ingénieures et ingénieurs en faisant valoir d’autres critères, comme les conditions de travail, et en touchant “l’âme entrepreneuriale” et “la volonté de changer les choses en contribuant à lutter contre le réchauffement planétaire”. »

 

Cette transition verte générera des milliers d’emplois dans les années à venir. « Comme le montre l’enquête comparant le personnel de l’entreprise de TEI Tesla avec celui de l’industrie automobile traditionnelle GM Ontario, l’industrie des TEI recherche des profils hautement qualifiés. Cela s’explique par le fait que nous sommes dans une phase de design, d’automatisation. Lorsque l’industrie entrera en phase de production de masse, il faudra sur le plancher des gens ayant des profils techniques et professionnels », prévoit Simon Pillarella.

 

Le Québec, des avantages compétitifs dans le secteur

La recherche de main-d’œuvre qualifiée recèle de nombreux obstacles pour les industries des TEI partout dans le monde. C’est une course mondiale, les meneurs doivent émerger rapidement. Une longueur d’avance peut vite être rattrapée. Ces dernières années, les acteurs clés ont annoncé plusieurs séries d’investissements. « Dans ce contexte extrêmement compétitif, le Québec détient plusieurs avantages, mentionne Simon Pillarella. Tout d’abord, nous n’avons pas ici de gros constructeurs automobiles. Cela nous permet d’orienter plus rapidement le développement industriel des TEI de manière nouvelle et originale. Il n’y a pas de dépendance économique qui crée des loyautés lourdes. Nous pouvons partir de politiques publiques novatrices, comme le Plan pour une économie verte 2030, lancé en 2020 par le gouvernement du Québec. » Autres avantages : la solide base de connaissances et d’infrastructures liées à l’hydroélectricité et la présence de minéraux essentiels pour produire des matériaux et composantes clés des véhicules électriques. « Les batteries représentent 50 % de la valeur d’un véhicule électrique, signale Simon Pillarella. C’est grâce à cette chaine de valeur que le Québec peut solidifier sa position. »

 

Rendez-vous à l’automne

Dans le cadre du projet En route, destination carrières en transports électriques et intelligents, Propulsion Québec a créé une plateforme sur laquelle on trouve du contenu, des témoignages d’ambassadeurs et, bien sûr, de nombreuses offres d’emploi. À la suite de la publication de l’étude Recharger le secteur des transports au Québec, Propulsion Québec organisera un grand rendez-vous, le 26 octobre prochain, au Centre des sciences de Montréal. Ce ne sera pas une simple foire de l’emploi. Les ingénieurs et ingénieures pourront évidemment discuter concrètement avec des entreprises offrant des emplois, mais ce sera surtout l’occasion d’en apprendre sur l’immense savoir-faire des firmes québécoises dans le domaine. Les visiteurs et visiteuses pourront toucher les technologies présentées, voir fonctionner des prototypes réalisés par des étudiantes et étudiants, ou encore assister à des conférences des PDG de Lion électrique, LeddarTech, AddÉnergie et Taiga Motors.

Propulsion Québec est un organisme à but non lucratif qui regroupe différents acteurs du domaine des transports électriques et intelligents, des gens du secteur industriel, des membres institutionnels, comme des centres de recherche, ainsi que des personnes qui exploitent et achètent ces technologies. Le mandat de cette grappe des TEI est de positionner la province parmi les leaders mondiaux du secteur.

 

En savoir plus

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