Gontran Bage, ing. : efficacité ingénieuse
Cet article s’inscrit dans la collection « Génie à la une »
Par Pascale Guéricolas, photos : Luis Medina et Didier Bicep
«Il n’est pas commun qu’un ingénieur fasse de l’audit de performance dans le secteur municipal, alors qu’on y trouve habituellement des comptables, déclare Gontran Bage, ing., mais il y a assurément de la place pour les ingénieurs dans ce milieu.» Lorsque le jeune homme entame un baccalauréat en génie chimique à l’École Polytechnique de Montréal en 1993, rien ne le prédispose pourtant à assumer un jour les fonctions de vérificateur général adjoint à la Direction de l’audit de performance et de conformité, au sein du Bureau du vérificateur général de la Ville de Montréal. À l’époque, il s’intéresse aux procédés biotechnologiques en matière agroalimentaire, notamment au traitement biologique des effluents émis par les fromageries, avant que les eaux usées n’atteignent les égouts.
Au début des années 2000, une nouvelle façon de parler d’environnement fait son apparition au Québec, en provenance de l’Asie et de l’Europe. Désormais, les notions sociales, économiques et environnementales entrent en ligne de compte dans l’analyse de l’impact d’un phénomène ou d’un procédé sur l’environnement. Les universitaires s’intéressent ainsi de plus en plus au cycle de vie d’un produit ou d’un service, une approche qui passionne cet ingénieur très curieux. Il vient justement de concevoir, durant sa maîtrise, puis son doctorat, un modèle de prise de décision et un logiciel, alliant génie et économie, pour la gestion des terrains contaminés. En compagnie de plusieurs professeurs, il contribue d’ailleurs à mettre sur pied le Centre international de référence sur le cycle de vie des produits, procédés et services (CIRAIG).
Six ans plus tard, le jeune ingénieur en génie chimique quitte le milieu de la recherche universitaire et travaille successivement pour trois entreprises, spécialisées en environnement et en gestion des gaz à effet de serre, jusqu’à ce qu’il tombe sur une offre d’emploi plutôt intrigante. «Un cabinet comptable, Raymond Chabot Grant Thornton, cherchait un expert en environnement pour accompagner ses clients, se souvient Gontran Bage. J’ai postulé, et je suis devenu directeur dans l’équipe Conseil en management.»
Proche des citoyens
Peu de temps après, une collègue lui fait découvrir une expertise qui va donner une nouvelle orientation à sa carrière. En sa compagnie, il effectue un audit de performance pour la gestion des terrains contaminés de la Ville de Terrebonne. Il s’agit de vérifier la conformité des actions menées par la Ville selon les lois et règlements en vigueur, ainsi que l’efficacité du travail pour les citoyens et les employés. D’autres mandats du même type suivent pour plusieurs des dix plus grandes municipalités du Québec ayant un vérificateur général, mandats concernant notamment la gestion des déchets, de la neige usée, de la production d’eau potable, ou les plans d’action sur les changements climatiques.
J’avais bien compris les principes de l’approche d’audit de performance, qui ressemble beaucoup à la démarche de l’ingénieur.
Gontran Bage, ing., vérificateur général adjoint à la Ville de Montréal
«Au troisième mandat, j’avais bien compris les principes de cette approche, qui ressemble beaucoup à la démarche d’un ingénieur, indique ce diplômé en génie chimique. Là aussi, il faut appréhender globalement une situation, déterminer quelles sont les causes en amont, puis en tirer les conséquences en aval. Exactement comme en analyse de cycle de vie, où l’on se préoccupe de l’impact d’un produit sur l’environnement, depuis l’extraction des matières premières jusqu’à son traitement à la fin de son utilisation.» Au fil des expériences, Gontran Bage se rend compte aussi que son titre d’ingénieur facilite la collaboration avec les membres des équipes techniques dans différents services municipaux, étant donné qu’il parle le même langage qu’eux.
Le jeune homme profite de l’ouverture d’un poste d’auditeur principal au Bureau du vérificateur général de la Ville de Montréal en 2018 pour exercer ses compétences dans le domaine municipal, le gouvernement le plus proche des citoyens à ses yeux. Devenu vérificateur général adjoint en 2020, il revendique désormais une vision globale des audits qui sont effectués sous sa direction. Son crédo : avoir suffisamment de recul dans l’analyse des constats et de leur cause pour formuler des recommandations à valeur ajoutée pour la Ville.
Ce fut le cas, par exemple, lorsque son équipe s’est intéressée à la protection des milieux naturels à Montréal. « Il ne suffit pas d’acquérir des terrains, il faut les protéger en les entretenant, sinon leur valeur écologique va disparaître peu à peu avec l’arrivée d’espèces envahissantes, note l’ingénieur. Les coûts récurrents de l’entretien doivent donc faire partie du budget total communiqué aux élus pour qu’on ne jette pas de l’argent par les fenêtres en n’entretenant pas un investissement.» Ce souci de veiller à l’efficacité et à l’efficience des services municipaux transparaît en outre dans ses recommandations quant à la possibilité d’associer plus d’un véhicule électrique municipal par borne de recharge afin d’optimiser l’utilisation des bornes appartenant à la Ville.
Priorité au développement durable
Heureux habitant de Montréal, Gontran Bage espère contribuer à sa manière à une bonne gestion des fonds publics. Les services qui passent un audit doivent en effet présenter un plan d’action comportant un calendrier précis, en vue de répondre aux recommandations énoncées. Les citoyens peuvent donc bénéficier de
services plus efficaces et efficients à la suite de ces démarches, qu’il s’agisse de disposer d’une flotte de véhicules municipaux en bon état ou du remplacement des entrées d’eau en plomb. Le développement durable demeure aussi une priorité aux yeux de celui qui a fait ses premières armes sur les terrains contaminés.
«Aujourd’hui, toutes les formations en génie abordent les aspects environnementaux, c’est un changement incroyable, se réjouit-il. Les ingénieures et ingénieurs sont maintenant bien informés sur le sujet et peuvent agir.» Gontran Bage entend bien lui aussi continuer à faire valoir l’importance des principes du développement durable dans l’exercice de ses fonctions!