Guy Martial Ngowa Nzali : combattant-né
Cet article s’inscrit dans la collection « Relève en génie ».
Par Pascale Guéricolas, photos : Luis Medina
Au début des années 2000, un jeune écolier peine à suivre le rythme de sa classe au Cameroun. Atteint de paralysie cérébrale, Guy Martial Ngowa Nzali n’a pas les capacités physiques d’écrire et de parler comme ses camarades. Près de 20 ans plus tard, il devient pourtant un des lauréats universitaires distingués par la fondation québécoise Forces avenir, dans la catégorie «Personnalité persévérante». La persévérance constitue en effet le moteur de l’existence de celui qui a obtenu un baccalauréat en génie logiciel à l’École de technologie supérieure (ÉTS), alors que son destin d’enfant handicapé semblait tout tracé. Retour sur quelques moments forts de l’existence exemplaire de ce futur ingénieur hors du commun.
Né en 1990, le jeune Guy Martial subit dès son enfance le regard des autres sur sa différence. Ses limitations physiques le stigmatisent. Après plusieurs tentatives scolaires ratées, ses parents l’inscrivent dans un centre spécialisé qui accueille des enfants handicapés mentaux. Sauf que le jeune garçon comprend très vite qu’il ne pourra pas y apprendre à lire et à écrire comme les autres. Ses parents trouvent alors une école primaire où il peut enfin déployer ses ailes et acquérir des connaissances grâce à l’aide attentive de sa mère.
Tailler sa place
«Je voulais montrer que j’avais ma place au milieu des autres enfants, raconte-t-il. J’utilisais un enregistreur vocal pour pouvoir écouter chez moi, à mon rythme, les leçons de l’enseignant. Pendant plusieurs années, j’ai photocopié les cahiers de mes camarades de classe, et j’ai aussi emprunté les cahiers de notes de ma sœur.» Sans se décourager ni jamais renoncer devant la somme d’efforts requis, le jeune écolier poursuit son apprentissage, même s’il lui faut beaucoup plus de temps et d’énergie pour accomplir ses travaux.
Le génie logiciel me semblait une option intéressante pour fabriquer des outils qui aideraient les personnes en situation de handicap.»
Guy Martial Ngowa Nzali — GénieLab
Cette méthode, le jeune homme l’applique aussi au moment du choix de ses études universitaires. Après un DEC en programmation informatique effectué au Cameroun en partenariat avec un collège communautaire du Nouveau-Brunswick, le voilà à la croisée des chemins. Où doit-il poursuivre l’apprentissage de son futur métier? «J’ai choisi le Québec, parce que les services me semblaient mieux adaptés à ma situation, explique Guy Martial Ngowa Nzali. Au départ, j’avais envisagé de devenir médecin, mais ce n’était pas compatible avec ma condition physique. Par contre, le génie logiciel me semblait une option intéressante pour fabriquer des outils qui aideraient les personnes en situation de handicap.»
Armé de tout son courage et de sa détermination, le jeune homme entame donc sa scolarité à Montréal, loin de sa famille et de ses amis. Sans relâche, il consacre toutes ses fins de semaine à réviser ses cours, à accomplir ses travaux pratiques, ne dormant que 5 heures par nuit. Tout lui demande plus de temps, plus de concentration. Il lui faut aussi prendre de fréquentes pauses pour digérer le contenu de l’enseignement. Épuisé par ce rythme infernal, il demande à la direction de l’ÉTS, à moins de deux sessions de la fin de ses études, le droit
de passer ses examens en différé et il l’obtient.
Décrocher le deuxième stage, partie intégrante du baccalauréat, lui pose aussi beaucoup de difficultés à cause de ses problèmes d’élocution. Malgré tout, Guy Martial Ngowa Nzali reste concentré sur son objectif, et cela donne des résultats. En 2015, il remporte le troisième
prix de l’oral au débat oratoire Piranha, organisé par la Société universitaire canadienne de débat intercollégial, devenue depuis la Ligue de débat universitaire et collégiale (LIDUC); puis il reçoit deux ans plus tard un prix de la Fondation Desjardins pour son engagement
social et scolaire.
Des outils pour tous
Aujourd’hui diplômé de l’ÉTS en génie logiciel, le jeune homme travaille pour GénieLab, à Montréal. L’emploi de développeur Web va comme un gant au jeune homme, qui réfléchit au quotidien à des activités ou à des outils technologiques adaptés à des jeunes différents. Dans ce laboratoire, il peut proposer des moyens d’apprentissage qui dépassent les limitations physiques ou sociales de chacun et de chacune. Une façon de les aider à prendre leur place dans la société.
Guy Martial Ngowa Nzali rêve d’un monde qui valorise chaque individu, qui valorise la différence. Aux yeux de ce poète dans l’âme, «une seule vision ne saurait équilibrer le monde». Voilà pourquoi il a demandé à sa mère, dès 2005, de mettre sur pied une école, au Cameroun, qui accueille des enfants autistes, trisomiques, atteints de paralysie cérébrale. Ce centre, qui porte son nom, dispose maintenant d’un volet informatique. Dans l’avenir, il bénéficiera de l’appui d’une fondation encore en élaboration. Plus que tout, le futur ingénieur espère que ce genre d’organisme s’implantera ailleurs au Cameroun ainsi que dans d’autres pays, afin de faire de la diversité le moteur de la société de demain.