Industrie 4.0 : une usine interconnectée
Cet article s’inscrit dans le dossier « Industrie 4.0 ».
Par Mélanie Larouche
Pour une entreprise, le passage à l’industrie 4.0 peut donc s’avérer déterminant pour accroître sa compétitivité. Bien qu’elle nécessite de bons investissements en temps et en argent, cette décision d’affaires entraîne des gains considérables en matière de productivité, de maintenance et de développement de produits. «Dans les faits, l’industrie 4.0 s’inscrit dans une suite logique de l’industrie 3.0, qui consiste à automatiser les procédés par l’électronique et l’informatique, explique d’entrée de jeu l’ingénieur Éric Lépine, consultant en industrie 3.0- 4.0. Avec la version 4.0, on greffe maintenant à la 3.0 les technologies numériques, dont des capteurs intelligents, pour répertorier une grande quantité de données qui servent à contrôler et à surveiller en temps réel l’ensemble des installations. Tout est interconnecté, tout le processus de production est analysé en continu afin de repérer les risques de bris d’équipement et d’arrêts de production ainsi que les besoins en maintenance. L’industrie 4.0 donne de l’élan à la productivité des entreprises, aide à réduire les coûts de production et à améliorer la qualité des produits.»
C’est à l’Allemagne que l’on doit la naissance de l’industrie 4.0. «Au Québec, nous sommes en retard de plusieurs années sur l’Europe et la Chine, entre autres, note Éric Lépine. Pour les grandes entreprises, ça va encore, mais les plus petites sont beaucoup trop nombreuses à ne même pas avoir intégré la technologie 3.0. Elles ont pourtant toutes accès aux technologies et à l’expertise pour prendre le virage, mais la culture entrepreneuriale tarde à adhérer à cette évolution industrielle, bien qu’elle représente un atout important pour accroître la productivité d’une entreprise.»
L’Internet des objets
La notion d’«internet des objets», qui réfère à toute cette panoplie d’objets du quotidien qui sont aujourd’hui connectés à Internet et qui collectent des données en temps réel pour diverses utilisations, joue un rôle important dans l’industrie 4.0. En usine, cette technologie se traduit notamment par des capteurs intelligents intégrés à toutes les étapes du procédé de fabrication d’un produit pour collecter les données nécessaires pour connaître précisément l’état d’une machine, son rendement, son usure et son interaction avec les autres machines et logiciels. «L’internet des objets permet ainsi l’apprentissage machine et la création d’algorithmes prédictifs et de modélisation qui rendront la machine complètement autonome», précise Éric Lépine.
La démarche vers le 4.0
«Logiquement, il faut d’abord maîtriser la technologie 3.0 avant d’envisager l’intégration de l’industrie 4.0, ajoute-t-il. Il faut y aller progressivement, intelligemment.» Le ministère de l’Économie et de l’Innovation a mis à la disposition des entreprises un outil d’autodiagnostic servant à évaluer la maturité numérique d’une organisation. Cet exercice permet de cartographier tous les systèmes existants et d’analyser où l’entreprise se situe par rapport à ses objectifs afin d’établir un plan d’action. « Il faut évidemment avoir une vision claire de ce qu’on veut atteindre et être ouvert à l’idée de modifier le modèle de production pour répondre à un besoin bien défini visant l’amélioration d’un volet de l’entreprise, indique Éric Lépine. Les objectifs doivent être précis, comme des gains en efficacité énergétique, un accroissement de la productivité, une maintenance plus performante, etc. Le virage vers l’industrie 4.0 pourra entre autres mener à la standardisation de certains aspects afin de mieux supporter la croissance de l’ensemble de l’entreprise, de la rendre plus performante.»
Bien outillés pour accompagner les clients
De l’avis d’Éric Lépine, les ingénieurs et ingénieures ont bien des avantages à tirer de l’industrie 4.0 dans le cadre de leur travail auprès des industriels.
Le Québec détient une belle expertise pour prendre le virage 4.0. […] La technologie bouge rapidement, il faut rester à l’affût des nouveautés
— Éric Lépine, consultant
«Les changements qu’apporte cette évolution sont majeurs, mais ils facilitent l’accompagnement des clients, estime-t-il. La portion de réseautique industrielle des projets de modernisation a beaucoup évolué et les langages de programmation sont très avancés. L’intelligence artificielle amène beaucoup de mobilité, de portabilité. Aussi, tous les protocoles de communication et l’échange de données sont facilités; ils assurent une plus grande accessibilité et plus de transparence. Les ingénieures et ingénieurs ont présentement tout ce qu’il leur faut pour favoriser l’industrialisation 4.0, même en ce qui concerne l’aspect de la cybersécurité. Le Québec détient une belle expertise pour prendre le virage 4.0. Certes, cela nécessite des serveurs volumineux, car il y a de plus en plus d’informations à héberger. La technologie bouge rapidement, il faut rester à l’affût des nouveautés. L’adhésion à l’industrie 4.0 peut sembler un défi de taille, puisque certains sont réfractaires au changement. Les membres de la profession ont ainsi un rôle à jouer dans la démythification de tout ce que cette révolution peut apporter aux entreprises.»