Institut du véhicule innovant – gérer la recharge et la facture
Cet article s’inscrit dans la collection « Parcours entreprise ».
Par Valérie Levée
Les pare-chocs bleus qui distinguent les autobus scolaires électriques de la Compagnie électrique Lion sont appelés à se multiplier sur nos routes. Le programme d’électrification du transport scolaire du gouvernement du Québec offre en effet un soutien financier au transport scolaire et vise un taux d’électrification des autobus scolaires de 14 % d’ici 2024. Or cette perspective fait sourciller Hydro-Québec. « Si l’on branche à la même heure tous les autobus qui reviennent de leur tournée, cela crée une pointe de puissance sur le réseau », explique Guillaume Fournier, ing., directeur de la recherche, du développement et du déploiement à l’IVI. C’est aussi un problème pour un opérateur de parc d’autobus, car son tarif d’électricité dépend de la consommation d’électricité et aussi de la puissance demandée. Autobus Laval, qui possède sept autobus scolaires électriques, a ainsi vu sa facture d’électricité grimper en flèche à la suite de dépassements de pointe de puissance. Il y a de quoi freiner l’achat de ces autobus et l’électrification des transports.
C’est ce qui a incité l’IVI à monter un projet de recherche en partenariat avec Hydro-Québec, Autobus Laval et la Compagnie électrique Lion. D’un budget total d’environ 450 000 dollars, incluant les apports en nature des partenaires, le projet était mené par Guillaume Fournier. L’objectif était de développer un algorithme qui optimise la recharge d’un parc d’autobus. Cet algorithme tient compte des horaires des autobus, des itinéraires à parcourir, de l’état de charge des batteries et de la consommation électrique du bâtiment pour établir un plan de recharge des autobus qui réduit le plus possible la facture d’électricité. Le plan est prévu sur un horizon de 24 heures, mais est recalculé et mis à jour toutes les 15 minutes en cas d’imprévu dans les horaires ou les itinéraires des autobus.
« L’idée est de proposer une solution de gestion de recharge clés en main et d’encourager ainsi les entreprises à faire le saut vers l’électrification. » — Guillaume Fournier, ing. — Institut du véhicule innovant
Le système de gestion priorise ainsi de recharger les prochains autobus à partir et détermine la charge qu’ils doivent recevoir en fonction de l’itinéraire à parcourir et des besoins des autres autobus. Par exemple, nul besoin de charger aujourd’hui un autobus qui ne roulera que le lendemain après-midi. Il pourra être rechargé automatiquement par le système le lendemain matin, pendant que d’autres seront sur la route. Il ne sera pas chargé non plus à pleine capacité pour un petit trajet si, au même moment, d’autres autobus doivent faire le plein pour de plus longs trajets. Toutes ces instructions sont envoyées directement aux bornes de recharge pour que l’entreprise n’ait pas à se soucier de savoir comment recharger ses autobus sans faire exploser sa facture d’électricité.
Le mandat de l’IVI s’arrêtait à la réalisation d’une première version du système de gestion, mais Hydro-Québec a créé une filiale, InnovHQ, dont l’objectif est de poursuivre le travail pour en faire un produit commercialisable. « L’idée est de proposer une solution de gestion de recharge clés en main et d’encourager ainsi les entreprises à faire le saut vers l’électrification », précise Guillaume Fournier. Les entreprises de transport scolaire sont les premières visées, mais elles ne sont pas les seules à pouvoir bénéficier d’un tel système. Il suffit de penser à tout le secteur de la livraison à domicile et à tous les véhicules d’entreprises telles que Purolator, FedEx, ou même à ceux de Postes Canada qui circulent en ville. Il faudra cependant poursuivre le développement des algorithmes, parce que les horaires et les itinéraires sont beaucoup plus complexes que pour le transport scolaire.
L’IVI : plus 25 ans d’expertise en électrification des transports
L’Institut du véhicule innovant (IVI) est né en 2015 de la fusion de l’Institut du transport avancé du Québec, fondé en 2003, et du Centre national du transport avancé, lui-même créé en 1996 sous le nom de Centre d’expérimentation des véhicules électriques du Québec. Autrement dit, sous différentes appellations, l’IVI est actif dans le secteur de l’électrification des transports depuis 1996. Il fait partie de Synchronex, le réseau des centres collégiaux de transfert de technologie (CCTT), et il est affilié au Cégep de Saint-Jérôme, qui propose d’ailleurs une attestation d’études collégiales en technologie des véhicules électriques. En tant que CCTT, le mandat de l’IVI est d’accompagner les entreprises dans le développement de solutions innovantes.
De nouveaux horizons
Une quarantaine de personnes, notamment des ingénieurs et ingénieures en génie électrique, en génie mécanique et en génie logiciel, gravitent autour de la filière des véhicules électriques ainsi que des véhicules connectés et autonomes. Ils et elles conçoivent des prototypes que le partenaire industriel récupère pour le mener à la commercialisation.
Depuis le premier prototype d’autobus scolaire électrique en Amérique du Nord mis au point pour Autobus Lion, l’IVI a ouvert de nouveaux horizons à l’électrification des véhicules. Son portefolio comprend en effet un camion de livraison, un engin minier, une navette d’aéroport, un véhicule tout-terrain sur chenille et même un tracteur autonome capable de désherber les champs. Le ciel fait partie de ces nouveaux horizons, car l’IVI collabore avec Pratt & Whitney à la conception d’une batterie pour un avion à propulsion hybride.