Mysterlande Christophe, CPI : La persévérance à l’épreuve
Cet article s’inscrit dans la collection « Professionnel formé à l’étranger ».
Par Valérie Levée
En 2010, Haïti est frappée par un séisme meurtrier. Brillante élève au secondaire, Mysterlande Christophe était douée pour les sciences et les mathématiques, quand survient la dévastation de son pays. C’est cette tragédie qui la conduite en 2013 à prendre le chemin de l’Université de Port-au-Prince pour y étudier en génie civil et reconstruire son pays.
Personne dans l’entourage de Mysterlande Christophe ne lui sert de modèle quand elle décide d’entreprendre des études universitaires, elle est pionnière dans sa famille. Mais elle reçoit les encouragements de sa mère qui lui dit de profiter de ses capacités intellectuelles pour faire des études, elle qui n’a pas eu cette possibilité. La jeune femme n’a pas d’argent pour s’offrir l’université, mais ses bons résultats scolaires lui permettent d’obtenir une bourse de Compassion International.
Les études se déroulent bien ; mais en 2015, sa mère l’encourage de nouveau à faire une demande de bourse afin de poursuivre des études en génie au Mexique. Mysterlande Christophe réussit l’examen et obtient la bourse. « Je vis ma vie de bourse en bourse », dit-elle en riant.
Un nouveau départ
La jeune étudiante arrive au Mexique en 2015 sans connaître l’espagnol. Elle passe alors quatre mois en immersion dans la ville de Taxco pour étudier la langue, et c’est en janvier 2016 qu’elle entame les cours à l’Institut technologique de Mérida. Pour elle, c’est un retour à la case départ. « J’ai recommencé le génie civil à zéro », raconte-t-elle. Avec l’obstacle de la langue qu’elle ne maîtrise pas encore, c’est un dur labeur. « Quand on débute dans une langue, il faut étudier en double à la maison », confie Mysterlande Christophe. Les cours s’étirent sur neuf semestres et débouchent sur la licenciatura, soit l’équivalent mexicain du baccalauréat.
« Je me demandais pourquoi je n’arrivais pas à trouver d’emploi alors que j’avais de bonnes notes. Je pensais que je n’étais peut-être pas faite pour le génie. »
Mysterlande Christophe, CPI — Groupe Géos
Parallèlement à la formation théorique, elle fait un stage pratique au Centre de recherche scientifique du Yucatán, où elle travaille au développement d’un béton moussé renforcé avec des fibres de henequen, une plante de la famille des agaves qui pousse au Yucatán. « On avait une table sismique pour étudier la résistance et le comportement d’un mur fait avec ce béton, indique-t-elle. Je faisais des modélisations pour simuler les déformations du mur. »
Et le printemps 2020 est arrivé avec la pandémie et le confinement. C’est en ligne qu’elle termine ses études et reçoit son diplôme. Elle se met en quête d’un emploi, mais les entreprises sont fermées. « Je commençais à douter de moi, de mes capacités. Je me demandais pourquoi je n’arrivais pas à trouver d’emploi alors que j’avais de bonnes notes. Je pensais que je n’étais peut-être pas faite pour le génie. » C’est alors qu’elle décide de changer de carrière et de venir étudier dans le domaine de la santé au Québec.
Un autre nouveau départ
Arrivée au Québec, la jeune femme se cherche un peu, pas tout à fait certaine de sa réorientation d’études. Autre coup du destin : un nouveau séisme frappe Haïti en 2021, et sa famille est touchée. Elle n’a plus la tête à étudier et entame des démarches pour obtenir un permis de travail au Québec et chercher un emploi, ce qui l’amène sur le site de l’Ordre où elle découvre le programme destiné aux professionnelles et professionnels formés à l’étranger. « Pendant une réunion d’information, une personne indiquait les démarches à suivre pour obtenir les équivalences de diplômes. Elle m’a conseillé de postuler comme technicienne. Mysterlande Christophe entre ainsi comme technologue de laboratoire chez GHD, à Saguenay, et elle accomplit toutes les démarches pour obtenir les équivalences de son diplôme mexicain et passer les examens dans les matières qui lui faisaient défaut. À l’automne 2022, elle s’inscrit au tableau de l’Ordre comme candidate à la profession d’ingénieur et elle peut de nouveau penser à une carrière d’ingénieure. Mais le bureau de GHD à Saguenay ferme et elle doit chercher ailleurs.
Le vrai nouveau départ
Il faut croire que son nom a circulé, car elle reçoit un appel du Groupe Géos qui a un poste en génie civil à pourvoir. En janvier 2023, c’est en tant que CPI qu’elle intègre Géos, et une nouvelle vie s’ouvre devant elle : « Replonger dans le génie civil, je ne savais pas que ça me manquait autant ! »
Mysterlande Christophe n’a que des bons mots pour le programme destiné aux professionnelles et professionnels formés à l’étranger et s’est jointe au comité régional du Saguenay–Lac-Saint-Jean pour le faire découvrir aux nouveaux arrivants qui ne le connaissent pas. « Les études de génie, c’est très difficile, conclut-elle. Si on fait des études et qu’on ne pratique pas dans le domaine, c’est dommage. »
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