Un système d’irrigation sur mesure
Cet article s’inscrit dans la collection « DOSSIER GÉNIE AGRICOLE»
Par Valérie Levée
L’ingénieur Mathieu Ricard est fondateur de Riego, une entreprise spécialisée dans la conception de systèmes d’irrigation. En travaillant dans des fermes maraîchères lorsqu’il était plus jeune, il a constaté que l’irrigation n’était pas efficace. « L’eau n’allait pas au bon endroit, il y avait trop d’eau ou on irriguait trop tard pendant une sécheresse. Beaucoup d’agriculteurs appliquaient la règle du pouce, c’est-à-dire qu’ils donnaient de 25 à 30 mm d’eau à l’hectare. Mais si, par exemple, le sol n’a la capacité de retenir que 20 mm et qu’on applique 25 mm, il y a 5 mm d’eau qui s’en va et qui n’est pas utilisée par la plante. »
Une agriculture de précision
Pendant ses études en génie agroenvironnemental à l’Université Laval, Mathieu Ricard a bien compris qu’il était possible de gérer l’irrigation pour apporter la bonne quantité d’eau au bon moment, et c’est dans cette optique qu’il a fondé Riego.
Traditionnellement, « les cultures sont irriguées avec un canon muni d’une buse de 20 à 30 mm qui projette l’eau sur une portée de 70 m », indique Mathieu Ricard. D’une part, les plantes ne reçoivent pas toutes la même quantité d’eau et, d’autre part, une fraction de l’eau dérive au vent et est perdue pour les cultures. Pour uniformiser l’irrigation, Mathieu Ricard préfère multiplier les buses et les rapprocher du sol, ce qui réduit la dérive de l’eau dans l’air et présente aussi l’avantage d’exiger moins de pression. « Les canons ont besoin d’une pression de 8 bars alors que les systèmes de Riego sont fonctionnels avec 4 bars. » Il s’ensuit une économie d’énergie pour projeter l’eau, mais aussi pour la pomper à la station de pompage.
«Je fais des relevés GPS et de l’arpentage pour positionner les trajets, tenir compte des dénivelés pour que la structure ne frotte pas au sol et soit équilibrée.»
— Mathieu Ricard, ing. — RIEGO
Réduire la dépense énergétique
À partir de cette idée, Mathieu Ricard a décidé d’importer deux systèmes couramment utilisés en Europe et aux États-Unis. L’un des systèmes est constitué d’un trépied central sur une base en béton et de plusieurs travées qui pivotent autour du trépied. Les sections sont munies de buses réparties sur toute sa longueur et le patron d’irrigation est circulaire. Dans l’autre système, une rampe est constituée des mêmes types de travées, mais le trépied est installé sur une base motrice qui se déplace en ligne droite dans le champ pour faire des parcours en hippodrome. Mathieu Ricard dimensionne les systèmes selon la géométrie et la topographie du champ. « Je fais des relevés GPS et de l’arpentage pour positionner les trajets, tenir compte des dénivelés pour que la structure ne frotte pas au sol et soit équilibrée », décrit-il. Il doit aussi concevoir la station de pompage et l’approvisionnement du système d’irrigation avec la bonne pression. « C’est la partie qui requiert le plus d’ingénierie », affirme-t-il.
Dans le cas de la rampe, le trépied, qui est mobile dans le champ, tire le boyau d’alimentation, et Mathieu Ricard tient compte de la friction du boyau sur le sol pour réduire la dépense énergétique. « Certains boyaux ont un coefficient de friction plus faible et permettent avec le même effort de traction de parcourir 30 ou 40 m de plus », précise-t-il. Toujours dans une perspective environnementale, l’ingénieur participe en outre à l’électrification de l’agriculture québécoise en proposant de remplacer les pompes diesel par des pompes électriques. Les remplacements qu’il a effectués en 2021 ont permis aux agricultrices et agriculteurs d’économiser 90 000 litres de diesel.
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